Raymond BUSQUET
Raymond Busquet (1926-1979) est né à Bassan (Hérault), dans ce Languedoc qu’il a hautement revendiqué comme terre de ses origines. Il est mort à Lyon, le 29 mars 1979. Cet hispanisant de formation et de profession laisse une double œuvre poétique, en français et en occitan. «Il est difficile», écrit Robert Vigneau, de cerner une personnalité aussi riche que celle de Raymond Busquet, si limpide qu’elle ait pu paraître. Toutefois, poursuit-il : «il m’a semblé que l’on pouvait procéder suivant quatre lignes d’investigations qui permettent d’évoquer le funambule, l’élégiaque, le rassembleur et l’occitan. Moi ce qui me gouverne – c’est le rêve et le pain – le feu de ma lanterne – et la peur du sapin. La figure du funambule domine la première partie de l’œuvre. Elle s’exprime surtout dans trois recueils : Si j’étais moi, Le Tranchant des mots, et Chansons entre deux airs. C’est l’époque du poète «fantaisiste», que reflète sa délirante ronde langagière de «Conneronde». Ce qui appartient en propre à Raymond Busquet, c’est un ton doux-amer, aigre-doux. L’auteur est fasciné par le langage qu’il manie à la fois en analyste et en praticien, je veux dire : en créateur. Il ne s’est jamais tellement préoccupé de bouleverser les structures du poème. On le verra même s’éloigner du vers libre de Si j’étais moi, pour filer à la perfection le sonnet. Il coule le langage moderne, familier même, dans un moule classique et ne renie pas la rime, qui est rythme. Le déchirement provoqué le 16 septembre 1959 par le suicide de son ami le poète Roger-Arnould Rivière fait jaillir chez Raymond Busquet, un chant nouveau et retenu. Ici naît l’élégiaque. À la mort de Rivière, Raymond Busquet exprime sa douleur et son désarroi. Désormais, tous deux sont indissolublement liés dans leur vie et dans leur œuvre. Ils s’éclairent mutuellement : Nos deux livres sont jumeaux – et lisant le tien je tremble – d’en savoir le dernier mot. Les poètes ont été les maîtres de Raymond Busquet, ses amis, une partie de sa famille. Auteurs familiers ou copains, les amis de Raymond Busquet ont été nombreux. Il savait les choisir, se trompait rarement, restait fidèle même à ceux qui le décevaient. Il avait le génie de l’amitié, celui de vous trouver du talent. Par goût de plaire ? Assurément Raymond Busquet avait beaucoup de charme. Il le savait. Il en usait. Mais cet enseignant possédait aussi un sens profond de la pédagogie. Éveilleur, il découvrait les promesses que vous portiez en vous et vous aidait à donner le meilleur de vous-même. Bien évidemment, déjà bourlinguant, je n’ai guère connu par la suite le Busquet «rassembleur» lyonnais, ni celui qui allait virer dans l’Occitanie. Mais le hasard nous arrima autrement : Jacqueline et Raymond Busquet firent emplette d’une maison à La Roque de Fa, nom d’un village des Corbières, dont Raymond se sentait originaire. Proche du village d’Albas où nous avions un toit. Ainsi, nous retrouvions-nous chaque été, en bel accord de canicule ! Est-ce urgence de ces nouvelles racines terriennes ? Le régionalisme à la mode ? L’influence de son ami Lesfargues ? Après avoir composé Mes Espagnes, puis L’Arbre de Noé, recueil de courtes proses, sortes de contes lyriques, l’hispaniste Raymond devint poète occitan et publia en 1976, un ensemble de cinquante sonnets en langue occitane, Un eiritage de la nueit, que je n’ai jamais su lire. Comme si déjà sa voix me parlait d’ailleurs. À lire : Si j’étais moi (Seghers, 1952), Le Tranchant des mots (Henneuse, 1956), Chansons entre deux airs (Henneuse, 1962), Transhumances (éd. Chambelland, 1964), Mes Espagnes (Fédérop, 1975), L’Arbre de Noé (Fédérop, 1979). En occitan : Un eiritage de la nueit (C.E.O. Montpellier, 1976), Aquo ritz quand ploù (I.E.O. Toulouse, 1979).
Pierre Jean BROUILLAUD
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : ROGER-ARNOULD RIVIÈRE, le poète de la cassure n° 25 |